13 décembre 2022 · Hémicycle
Discussion générale, motion de censure sur le PLF 2023
*Seul le prononcé fait foi"
Madame la Présidente,
Madame la Première ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de la commission des finances,
Mes chers collègues,
Nous sommes usés par vos méthodes, qui nous obligent à nous battre, via de multiples motions de censure, pour pouvoir nous exprimer sur ce projet de loi de finances 2023.
Nous sommes usés de voir tant d’amendements importants et utiles balayés ou pire, adoptés puis supprimés dans la version finale de ce projet de loi. Nous sommes usés de voir des amendements refusés par la représentation nationale, ajoutés en catimini, au Sénat ou dans vos 49.3.
Nous sommes usés de la longue litanie de critiques suggérant que, nous parlementaires, ne voudrions pas travailler avec le Gouvernement alors que les neufs 49-3 dégainés avant même la fin, ou le début, des discussions et la version conservée du texte final démontrent que c’est vous qui ne souhaitez pas de ce travail en commun.
Qu’il soit effectué avec l’Assemblée tout comme avec le Sénat puisque sur les 112 articles ajoutés par les sénateurs, 90 ont été supprimés.
Nous sommes usés de votre argument justifiant l’arrêt des débats par « manque de temps ». Le nombre d’amendements était très restreint dans cette nouvelle lecture et surtout, vous le savez très bien, si le Parlement dépasse les délais constitutionnels, la LOLF permet au Gouvernement de mettre le budget en œuvre unilatéralement, par ordonnances.
Les enjeux de ce texte sont tels qu’il est désolant de constater que vous ne voulez pas entendre et prendre en compte les positions de la représentation nationale.
A travers nos remarques ce sont pourtant nos territoires et leurs spécificités, nos associations, nos acteurs économiques et culturels, nos chambres consulaires, nos syndicats, nos administrés, qui s’expriment.
On ne peut pas museler toutes ces réflexions par peur d’une obstruction fantasmée. Vous nous dites que nous ne voulons pas travailler avec vous. Mais c’est faux ! Nous sommes prêts à échanger et avancer sur des mesures communes, vous ne souhaitez pas ce travail en commun.
Ce projet de loi de finances, dans un contexte si grave aurait dû être construit en intelligence avec les oppositions.
Nous ne pouvons aujourd’hui que constater que sur la forme, vos méthodes ne sont pas satisfaisantes, tout comme sur le fond.
Ce texte ne nous convient pas. Il aurait pu porter des mesures fortes et innovantes, pour :
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un budget ambitieux en matière d’écologie, comme à travers la conditionnalisassions du crédit impôt recherche à des critères écologiques, la taxation des activités polluantes ou une réforme de MaPrimeRenov afin d’y intégrer de vrais critères de performances énergétiques ;
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il aurait pu être un budget qui soutienne le pouvoir d’achat des français et créé des moyens pérennes, ciblés et soutenables face à l’inflation. L’augmentation du SMIC est urgente ;
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il aurait pu redistribuer les richesses alors que la précarité explose dans notre pays et que la liste des secteurs qui ont engrangé des superprofits s’allonge. Taxons les superprofits, les superdividendes ou les profiteurs de guerre !
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Ce budget aurait pu améliorer les conditions de vie des français, à travers des mesures fortes pour répondre aux urgences comme celles de l’accès aux logements, notamment en zones tendues, du renforcement de notre système de solidarité, de l’accès aux études supérieurs pour tous en garantissant des conditions de vie dignes à nos étudiants, ou de l’accès à une formation professionnelle sans condition, et certainement pas celle d’obliger les demandeurs à participer financièrement, comme cela sera le cas dorénavant avec le CPF ! En effet, un amendement de dernière minute introduit au Sénat par le Gouvernement et largement précisé dans un prochain décret, contraindra les salariés à payer un reste à charge s’ils souhaitent se former. Qu’il y ait de la fraude au CPF, c’est évident, qu’il faille lutter contre, aussi, mais ne jetez pas le bébé avec l’eau du bain, ne signez pas l’arrêt de mort du CPF et avec lui, la montée en compétence des individus et des entreprises. Cette méthode en catimini est indigne.
A tout cela, vous nous répondez :
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« Suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises », soit une perte de 3,8 milliards d’euros en 2023, et de 7,6 milliards chaque année à partir de 2024. Pour une entreprise comme Total, cela représente par exemple 6,5 millions d'euros de cadeau en 2023, et 13 millions en 2024. Alors que, je le rappelle, nous n’avons même pas eu le temps de déceler l’impact positif sur l'économie de la baisse des impôts de production de 2021.
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Vous nous repondez… « Refus de toutes hausses d’impôts « hors réduction justifiée de niches fiscales et sociales » ». La niche fiscale pour les plus grandes entreprises, via les captives de réassurance, par contre, était urgente, elle. La suppression de la niche fiscale airbnb aussi, alors que le logement est l’un de premiers enjeux de politique publique et que la Fondation Abbé Pierre évalue à 14,6 millions, le nombre de personnes fragilisées par la crise du logement, dont 4 millions mal logés ou sans domiciles et plus de 10 millions dans des logements surpeuplés ou trop onéreux.
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Vous nous répondez « Austérité pour les collectivités territoriales » alors qu’elles sont étranglées par la crise avec l’augmentation de leurs dépenses liées au coût de l’énergie ou des denrées alimentaires. Le Gouvernement abandonne nos communes pourtant maillon essentiel au fonctionnement de notre pays.
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Vous nous répondez « Austérité pour la plupart des missions de l’État », mis à part, l’armée, la police, la pénitentiaire. Ils ont évidemment besoin de moyens, mais la justice aussi, la petite enfance aussi, l’école et les universités aussi, l’aide sociale aussi, le logement aussi, les transports aussi, etcaeter…
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Vous nous répondez « Affaiblissement de notre système social et de solidarité », porté notamment par les reformes de l’assurance-chômage, du RSA et bientôt, via de nouveaux 49.3, des retraites.
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Vous refusez quasi-systématiquement des propositions pourtant concertées et indolores pour les finances de notre pays, provenant de l’opposition mais aussi de votre camp comme une nouvelle taxe sur les super-dividendes, je pense au Président Mattei.
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Vous nous répondez, « Multiplication de chèques et d’aides d’Etat » à la place de politiques ambitieuses, notamment en matière d’énergie.
Ce budget est bancal et nie les réalités à venir puisqu’il est fondé sur des hypothèses macro-économiques détachées de la réalité. Toutes les prévisions des institutions nationales et internationales sont plus pessimistes que celles du Gouvernement sur l’évolution de la conjoncture. La probabilité d’une récession en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, en Europe, aux Etats-Unis ou mondiale est substantielle, favorisée par une inflation évidemment très élevée et une remontée drastique et soudaine des taux d’intérêts directeurs des banques centrales.
Ce budget ne répond pas structurellement aux urgences, contraignant notre pays a une politique fragile de déploiement ponctuel d’aides spécifiques. Pénuries, rationnements, services publics en lambeaux, voilà le bilan de vos choix.
Ce budget nie l’intérêt intellectuel d’un débat dans les deux chambres parlementaires, alors que nous sommes au contact direct de nos concitoyens et que nos propositions ont de la valeur !
J’aurais préféré être ici pour vous parler d’éducation, des écoles rurales, des services publics, d’agriculture, de pastoralisme, de déserts médicaux, des urgences d’Oloron qui ferment à répétition, et même peut-être de langues régionales. J’aurais ainsi pu qualifier la méthode de votre Gouvernement de « Capbourut » ou de « Kaxko Gogor » ! Mais je vous rassure, nous le sommes aussi, Capbourut .
Nous sommes usés par vos méthodes mais nous continuerons à nous battre, pour lutter contre les inégalités qui sont néfastes pour notre pays, pour soutenir nos collectivités et nos services publics, pour permettre à tous les français de vivre dignement.